En 2020, Umaro Sissoco Embaló accédait à la présidence de la Guinée-Bissau avec des promesses de rupture. Parmi elles, un engagement solennel : ne pas briguer un second mandat, afin de restaurer la confiance dans les institutions et ouvrir la voie à une nouvelle culture politique. Quatre ans plus tard, ce serment s’efface dans le tumulte d’une nouvelle candidature. Ce revirement soulève une question lancinante : pourquoi tant de chefs d’État africains peinent-ils à quitter le pouvoir, même lorsqu’ils en ont fait la promesse ?Un rétropédalage aux allures de reniement
La décision d’Umaro Embaló de se relancer dans la course présidentielle n’est pas qu’un simple choix stratégique. Elle constitue une rupture morale avec la parole donnée. Dans un contexte où la parole politique est déjà fragilisée, ce type de volte-face alimente le cynisme citoyen et affaiblit les fondements de la démocratie. Certes, le président invoque la nécessité de « stabiliser » le pays ou de « poursuivre les réformes ». Mais ces justifications, souvent recyclées, masquent mal une réalité plus profonde : le pouvoir, une fois conquis, devient difficile à lâcher.Le syndrome du pouvoir : entre fascination et verrouillage
Pourquoi ce refus de passer le relais ? Plusieurs facteurs se conjuguent :
La personnalisation du pouvoir : Le chef devient l’État, et toute alternance est perçue comme une menace.
La peur du vide : Quitter le pouvoir, c’est perdre l’immunité, les privilèges, et parfois s’exposer à des poursuites.L’absence de culture institutionnelle forte : Dans de nombreux pays, les institutions ne sont pas assez robustes pour garantir une transition apaisée.
Le culte du sauveur : Certains dirigeants se voient comme les seuls capables de « sauver » leur nation, justifiant ainsi leur maintien.Conséquences : une démocratie fragilisée
Ce type de revirement n’est pas sans conséquences :
Il affaiblit la confiance entre gouvernés et gouvernants.
Il banalise le mensonge politique, rendant les promesses électorales de plus en plus creuses.
Il freine l’émergence de nouvelles générations de leaders, souvent reléguées à des rôles secondaires ou instrumentalisées.Le courage politique ne réside pas seulement dans la conquête du pouvoir, mais dans la capacité à le quitter avec dignité. En renonçant à sa promesse, Umaro Embaló ne trahit pas seulement une parole personnelle : il perpétue une logique de verrouillage qui entrave l’évolution démocratique du continent. Il est temps que les dirigeants africains réhabilitent une valeur trop souvent oubliée : celle du départ volontaire, comme acte de foi envers la République.
Les champs obligatoires sont indiqués avec *